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Nation, identité et dignité humaine


Deux conceptions de la nation s'affrontent aujourd'hui, une définition narrative s'oppose à une définition politique. La quelle est la plus porteuse de paix et d'espoir, et la nation est-elle compatible avec le respect de la dignité humaine ?


(Photo AdrienChd licence creativecommons)


La nation progressiste


Dans un texte de la revue du Collège international de philosophie, Pierre Lauret nous propose plusieurs définitions de la nation. Une définition "narrative", qui rejoint celle des conservateurs, et une seconde définition "politique" qui est plus objective. Voici cette seconde définition :


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Une nation

  • est un mode et un projet d'organisation

  • du vivre ensemble

  • sur un territoire

[...] elle est aussi

  • une société d'individus

  • associés

  • dans un système

    • de coopération

    • et de distribution des biens sociaux

    • [qui sont des] avantage tirés de la coopération sociale

>>


A partir de cette définition, nous pouvons reconnaître un aspect de la proposition politique défendue par les social-démocraties occidentales, et qui ne serait pas incongru d'associer au régime chinois (mais le reste du texte de M. Lauret nuance cette remarque).


Cette conception de la nation procède de deux exigences, d'abord écarter le danger du nationalisme exacerbé et de son potentiel de barbarie, et ensuite le respect de la dignité humaine dans un projet d'accueil presque inconditionnel.


Nation sans identité


Ce projet de "vivre ensemble" est dit post-national dans la mesure ou il met de côté la définition "organique" de la nation que nous verrons plus bas. C'est un projet parfaitement compatible avec l'intégration européenne et mondiale.


Quelques remarques s'imposent. Une telle définition de la nation a l'avantage d'être objective, claire et potentiellement universelle. Elle n'exclut personne.


C'est la description de ce que pourrait être une société si l'être humain pouvait être remodelé en un être uniquement matériel et rationnel. Y croyez-vous ? Personnellement j'y ai cru, et en conséquence j'étais révolté par les propositions visant à limiter l'immigration.


Ces deux croyance ce renforcent l'une l'autre : celui qui croit que la nation est uniquement une association d'individus fondé sur une redistribution des ressources a tendance à croire que tous les individus peuvent adhérer à cette proposition et s'intégrer à cette société. Toute autre réaction serait irrationnelle.


Citoyen du monde


Beaucoup d'occidentaux éduqués de définissent eux-mêmes comme citoyen du monde. Ce terme renvoie à un projet dans la lignée du "vivre ensemble" et qui se positionne en faveur d'une communauté mondiale face aux intérêts nationaux.


Ce projet est attirant et porte l'espoir de la fin des guerres et de l'avènement d'une prospérité mondiale qu'on croyait à portée de main. Il mobilise des électeurs de tout bords qui y voient une solution raisonnable face aux crises qu'ils attribuent aux égoïsmes et à l'avidité de despotes qui instrumentalisent les passions de leur peuple.


En termes de politique étrangère le projet de citoyen du monde passe par une déclaration de guerre à tous les régimes non alignés, à un interventionniste militant et un soutien tacite à l'ingérence, américaine en particulier (le fameux devoir d'ingérence).


Intuition populaire


Cependant le vote nationaliste persiste et se renforce. Les électeurs n'ont pas adhéré à la proposition du "vivre ensemble". Au contraire des pays entiers passent sous contrôle d'hommes politiques qui critiquent les politiques migratoires accommodantes. Même le projet européen est affecté.


Les termes d'identité, de nation, de souveraineté, de patriotisme refont surface. On sent chez de nombreux commentateurs un désarroi, une inquiétude, voire de la colère. Est-ce que le peuple vote mal ? Risque-t'on le retour du totalitarisme ? Est-ce du racisme ?


Changeons maintenant de perspective. A l'inverse, n'est pas le projet de nation sans identité qui est une menace ? Il se pourrait que le peuple ait perçu cette menace et ait décider de redresser la barre avant le naufrage.


Contrairement à d'autres aspects de la doctrine conservatrice qui ont été confirmé par la science et les événements récents (voir cet article), la perception de l'identité nationale relève d'un choix philosophique et politique. Gardez bien à l'esprit que le vivre ensemble aussi. Les choix que vous faites dans ce domaine relèvent dans tous les cas de l'opinion, de la croyance, de l'intuition.


L'argument de la validation de l'une ou l'autre thèse par l'Histoire devrait permettre de les départager, mais malheureusement l'interprétation de l'Histoire est aussi affaire d'opinion. Prenez cependant le temps de méditer sur une autre conception de la nation.


Nation, identité, territoire


Quelles sont les caractéristiques de la nation ?


Dans la pensée conservatrice la nation est une société naturelle en cela qu'elle n'est pas le fruit d'un projet, mais de l'action des Hommes et de leur histoire. Pour la même raison la nation est un territoire naturel qui s'est formé par la confrontation des peuples avec d'autres peuples et avec les éléments.


L'Histoire de la formation du territoire, de sa population, sa culture, sa pratique religieuse et la manière qu'elle a aujourd'hui d'habiter et de mettre en valeur le territoire définissent une identité.


L'association d'une identité et d'un territoire forme une nation.


La nation s'incarne dans son dirigeant, qu'on appelait autrefois un souverain, qui a pour rôle essentiel de manifester, d'incarner l'identité nationale.


La souveraineté de la nation désigne l'autorité et l'indépendance nécessaire au maintien de l'intégrité de la nation, dans ses deux dimensions : territoire et identité. Le patriotisme est l'attachement à la nation ainsi définie.


Nation et nationalisme


Cette définition est bien différente du vivre ensemble. Bien comprise elle permet de se préserver de la barbarie et de respecter l'étranger dans sa dignité.


La doctrine conservatrice doit être qualifiée d'identitaire mais pas de nationaliste. Il ne s'agit pas d'une nuance mais d'une différence radicale.


Dans la pire version du nationalisme, la nation est une idole qu'on révère et à laquelle on attribue des propriétés magiques, elle est placée au dessus de tout, y compris de la dignité humaine, et toute l'économie est à son service.


On reconnait là le nationalisme totalitariste de gauche, du parti national socialiste.


La doctrine identitaire, elle, se déduit de la définition de la nation citée plus haut. Il s'agit de préserver une façon d'habiter un territoire. Les identitaires peuvent se remettre de grands bouleversements, à l'image du peuple polonais qui a préservé son identité malgré d'incessantes invasions.


Le projet identitaire est durable et pacifique. Durable car il respecte la nature humaine sans besoin de propagande ou d'intervention de l'État. Pacifique (mais pas pacifiste) car il n’entraîne pas l'interventionnisme militant que tolère le projet de citoyen du monde.



Nation et immigration


Une nation en bonne santé possède une identité forte, traverse les épreuves et attire naturellement à elle des étrangers.


Cependant l'afflux d'étranger n'est pas un phénomène neutre du point de vue de l'identité. Comment réguler cet afflux tout en respectant la vocation universelle d'accueil que nous portons en nous ?


En France le problème se pose de manière aiguë comme dans tous les pays qui ont une politique de redistribution inconditionnelle. Il y a là encore un effet pervers du projet social-démocrate de justice sociale par la redistribution.


Pour éviter cet écueil les conservateurs ont soin de ne pas assortir la nationalité à des avantages matériels inconditionnels. On devient Français, Italien ou Espagnol par amour du pays d'accueil et non pour bénéficier de la redistribution. L'assimilation est une force qui attire vers le haut et fait progresser l'arrivant vers un objectif de dignité porté par une identité claire.


Cette attitude est cohérente avec l'ensemble de la doctrine conservatrice : les qualités humaines sont le moteur de l'économie, et c'est l'exigence et la rigueur qui produisent la richesse et la répartissent de manière juste. Il y a un équilibre entre l'attractivité de la nation et la difficulté de l'assimilation.


A l'inverse, le projet de "vivre ensemble" ne peut se réaliser concrètement qu'en siphonnant les recettes de l'économie pour les redistribuer, puisque la nation est vue comme une association où les gens se tolèrent afin de bénéficier des "avantage tirés de la coopération sociale".


Cette doctrine est elle aussi cohérente mais renvoie l'arrivant à la satisfaction de ses besoins matériels. La construction rationnelle du "citoyen du monde" n'est pas satisfaisante pour les besoins de l'esprit humain qui aspire légitimement à autre chose.


Identité et remplacement


Les arrivants qui ne sont pas satisfait de la proposition d'une identité du "vivre ensemble" posent un grave problème pour le pays d'accueil. Précisons lequel.


La nation des conservateurs est une réalité composite : une identité incarnée par un peuple qui habite un territoire. Que se passe-t'il si l'identité disparaît ?


En respectant la description conservatrice, la disparition de l'identité a plusieurs conséquences :

  • la nation cesse d'exister

  • sans identité pas de souverain, il est remplacé par des gestionnaires

  • le territoire n'est plus habité par un peuple mais un amas d'individus qui "tirent avantage de la coopération sociale pour redistribuer les biens sociaux"


Si la vision conservatrice est fondée, alors le destin d'un peuple sans identité est au mieux une vie sans projet collectif, tournée vers l'hédonisme. L'absence d'identité conduit aussi à considérer le territoire comme un bien à partager.


Le projet social-démocrate de "distribution de l'appartenance" est cohérent dans ce contexte, et aboutit à l'entrée sur le territoire sans condition d'assimilation. Cependant le nouvel arrivant peut, lui, transporter son identité et la manifester. Chaque groupe d'arrivant peut former une société et s'approprier un territoire.


Cette projection ne peut pas bien se terminer, un territoire qui n'est pas défendu par une identité devient naturellement la proie d'un autre peuple. L'alliance d'une identité et d'un territoire semble être une composante de la nature humaine à laquelle on ne peut pas échapper.


Conclusion


Les projets du "vivre ensemble" et du "citoyen du monde" sont attractifs. C'est un bel idéal mais qui ne progresse pas malgré les moyens colossaux de ceux qui le soutiennent, malgré des interventions militaires partout sur la planète.


Une politique est tributaire d'une anthropologie, d'une connaissance pertinente de l'être humain. L'anthropologie occidentale fondée sur la satisfaction des besoins matériels et psychologique aboutit à un projet post-national qui met en danger la paix et la prospérité.


On a également vu que c'est le projet social-démocrate qui a fait de la nationalité un enjeu économique et a éveillé l'avidité des autochtones aussi bien que celle des candidats à l'immigration. Notre vigilance doit s'exercer dans ce domaine.


A l'inverse, la proposition de la nation, bien comprise sous son aspect identitaire et non nationaliste, semble plus cohérente, réaliste et porteuse de paix, capable d'élever l'être humain qu'on accueille vers une plus grande dignité.


Dire "vive la France !", c'est déclarer son amour à l'humanité entière, et non s'enfermer dans une chimère nostalgique.


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