Aux sources d'un programme il y a une vision de l'être humain, ce que le candidat Macron a nommé des "éléments de conviction et d'inspiration". Prenons le temps de détailler ces éléments afin de nourrir le débat démocratique. Dans cette première partie nous dégagerons les éléments consensuels qui donnent de la force à ce projet. Nous questionnerons ces éléments dans une seconde partie.
Contexte
Le 17 mars, le candidat Macron a présenté son projet présidentiel au cours d'une conférence de presse. Il a en particulier mentionné en termes simples le socle philosophique de ce projet avant de détailler les orientations politiques.
Le sujet de la conférence de presse n'étant pas ce socle philosophique, le candidat s'est efforcé de nommer à grands traits des "éléments de conviction et d'inspiration".
Nous souhaitons réfléchir sur ce socle philosophique à en extraire d'abord la part de justesse et de cohérence. C'est à ce socle qu'adhèrent, de bonne foi, de nombreux électeurs et il faut lui reconnaître des qualités.
Tous les choix politiques portés par le projet présidentiel du candidat se réfèrent à ce socle, c'est ce qui fait la cohérence de cette politique, c'était déjà le cas pour le mandat 2017-2022.
Pourtant, malgré ces qualités, cette cohérence, malgré un discours sensé et une certaine pédagogie, de nombreux électeurs ne se reconnaissent pas dans ce projet. Même ceux qui se préparent à voter pour LReM ont des doutes sur tel ou tel aspect du programme, et votent pour faire barrage à des politiques qu'ils désapprouvent.
Des personnalités instruites, de haut niveau, s'opposent aux propositions du candidat Macron et au socle de pensée qui le sous-tend. Ces personnalités critiquent ce projet et le suspectent même d’entraîner le France vers l'effondrement civilisationnel.
C'est pourquoi dans un second temps nous souhaitons explorer les limites du socle philosophique qui nous est proposé. En particulier, ce socle est-il compatible avec l'image que vous vous faites de la dignité humaine ? Est-il une fondation solide pour maintenir et faire progresser la civilisation ?
Le socle philosophique du projet présidentiel
Le contexte de l'exposé de ses inspirations philosophiques est explicité par le candidat Macron. Il constate que nous vivons un temps de crise et de transition. Et pour s'adapter à des défis nouveaux il faut s'appuyer sur des valeurs essentielles et universellement partagées.
Le socle de pensée abordé lors de cette conférence de presse repose sur trois points, dans l'ordre suivant :
1. le retour de la souveraineté populaire
la capacité de faire des choix de rupture de manière collective
2. la confiance dans le progrès
le progrès est définit avec clarté et se fonde sur des vérités scientifiquement établies
3. l'humanisme
le progrès est au service d'une idée de l'Homme issue principalement de la révolution française, nourrie de l'esprit des lumières et pour parti de l'esprit de la renaissance
Ces points ne sont pas analysés en profondeur lors de la conférence de presse mais nous pouvons nous appuyer sur des déclarations ou des écrits antérieurs ou connexes pour les détailler.
La souveraineté populaire
Parler du retour de la souveraineté populaire en opposition avec la méthode technocratique est une manière de renvoyer à la source vitale du pouvoir républicain : le contrat social.
Le candidat précise à quoi s'oppose ce retour de la souveraineté populaire. Voici ses propos :
nos sociétés
qui se sont technicisées,
où on parle de plus en plus de régulation
ont eut tendances
à transférer beaucoup de décisions
à des structures indépendantes
de plus en plus en plus techniques
loin de nos compatriotes
nous arrivons à un moment ou le sujet est de faire des choix historiques, profonds et en rupture
Ce premier principe est essentiel et rappelle que la force du pouvoir démocratique repose sur l'adhésion du peuple à un projet, à une certaine uniformité de pensée et de volonté. Cette adhésion doit s'obtenir à tous les échelons de représentation.
C'est une forme de principe de subsidiarité. Ce principe affirme que les décisions doivent toujours se prendre à l'échelon le plus bas possible, au contact des populations directement concernées par ces décisions.
Le candidat Macron propose une voie pour harmoniser cette demande de subsidiarité avec l'ambition européenne.
Souveraineté, autorité
C'est aussi une affirmation qui sous-tend qu'il n'existe pas d'échelon plus élevé que la volonté populaire. Cette volonté, qui doit être éclairée par la science comme on le verra plus bas, est à même de définir les normes de l'activité humaine dans toutes ses dimensions.
C'est sans doute ce qu'évoque le candidat lorsqu'il parle de choix historiques, profonds et en rupture.
Cela implique aussi une question douloureuse : si des choix de rupture sont fait, qu'adviendra-t'il des personnes qui ne cautionnent pas ces choix et dont la vie est bouleversée ?
La réponse est implicite et a été mise en oeuvre au travers de loi qui contrôlent ce qui est permis d'exprimer dans le débat public. Cette réponse est celle de la force du droit.
Affirmer qu'on fait un choix de rupture c'est s'autoriser à faire usage de la force contre ceux qui sont de l'autre côté de la rupture.
Les électeurs de LReM sont conscients que cette violence est inévitable et la cautionnent comme un mal nécessaire.
La confiance dans le progrès
Quelle que soit notre confiance dans le bien-fondé de la souveraineté populaire, tous les penseurs de la démocratie nous mettent en garde contre les dangers mortels de la démagogie.
C'est pourquoi il est nécessaire et légitime de délimiter le domaine dans lequel s'exerce la souveraineté populaire afin que le pouvoir ne soit pas empêtré dans des débats stériles et sans fondements, afin de se concentrer sur les actions importantes et réalisables. C'est en soi une bonne doctrine que de chercher un contre-pouvoir à l'arbitraire démocratique parfois gouverné par des passions violentes.
La délimitation qui nous est proposée est le périmètre des vérités scientifiquement établies. Ces vérités définissent ce qu'est le progrès, aussi bien du point de vue technologique et scientifique que social.
Ce principe de la recherche de la vérité afin de concentrer le débat public dans le réel est excellent. Cependant il exige que nous nous accordions tous sur le périmètre des vérités scientifiquement établies.
Et dans ces temps de sur-information et de dés-information nous nous apercevons que cet accord est difficile à obtenir. Comment faire ? Faut-il recourir encore à la force de la loi pour définir quelles sont les vérités scientifiquement établies ?
Le candidat Macron estime que "il faut choisir son camp". Cela implique que son équipe est capable de discerner les sujets qui sont le fruit d'une connaissance scientifique objective, universelle.
L'Humanisme
Toutes les formes de progrès doivent rester au service de l'être humain et respecter la dignité humaine. Même les choix démocratiques sont encadrés par "une certaine idée de l'homme".
Le terme humanisme est utilisé par le candidat et placé dans un contexte :
ce qui est au cœur du projet français dès notre révolution, et même avant ... l'esprit des Lumières, pour partie celui de la Renaissance ...
Ce point est fondamental et contraint tous les autres. Au fond toute proposition politique est tributaire d'une anthropologie, d'une définition de l'être humain.
Pour le candidat Macron l'être humain complet et digne est celui définit à partir de la Révolution française. Il n'entre pas dans le détail mais d'autres propos nous permettent de préciser sa vision de l'Homme.
Il fait appel le plus souvent à deux notions : l'universalisme et l'émancipation. L'universalisme c'est l'idée que tous les êtres humains peuvent tous coopérer, qu'on doit considérer les êtres humains dans ce qu'ils ont de commun et qu'on doit combattre tout ce qui peut les séparer, les diviser.
L'émancipation c'est la capacité à se définir soi-même, sans contrainte d'aucune sorte. L'émancipation met l'individu devant une liberté complète et combat les contraintes de toute sortes qui pourraient contraindre son développement.
Conclusion
Le socle des inspirations philosophiques proposé par le candidat Macron est un ensemble cohérent, qui est dans la continuité de la tradition républicaine Française à partir de la seconde moitié du XXe siècle.
Les électeurs peuvent s'y reconnaître et même s'y identifier. Les définitions de l'être humain, du progrès et de la démocratie méritent qu'on se batte pour elles et ceux qui s'y opposeraient sont hors du domaine de la raison et n'ont pas l'esprit assez ouvert et mur pour participer pleinement aux responsabilités du pouvoir.
Cependant ces valeurs, comme tout ce qui touche à l'humain sont sujettes à de multiples interprétations et peuvent s'adapter à beaucoup de mesures politiques. Elles peuvent être dévoyées et détournées, en particulier si on ne précise pas la définition de l'humanisme qui est invoqué. Nous verrons de quelle manière dans la seconde et dernière partie de cet article.
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