La vie est un voyage. Pour sortir des chemins balisés sans se perdre, le jeune doit avoir acquis un solide sens de l'orientation. image pixabay.
Lorsque je me suis posé la question de la transmission des valeurs alors que mon premier enfant allait naître, j'ignorai où cela me conduirai. Et j'ignorai que je me posais mal la question.
Au fond, la question n'est pas tant celle de la transmission des valeurs que la connaissance de l'être humain. Qui sommes-nous ? Que transmettons-nous à nos enfants ?
En tant qu'humain nous n'avons pas des valeurs, ni une valeur. Nous ne sommes pas des marchandises. Éveiller l'enfant à la vie c'est lui apporter une qualité d'être, un sixième sens de l'orientation spirituelle.
De la carte au territoire
Transmettre des "valeurs" c'est donner à l'enfant une carte géographique et de le guider à chacun de ses pas sur un sentier balisé. C'est important de le faire lorsque l'enfant ne sait pas encore s'orienter dans la vie.
C'est une étape indispensable qui nécessite de l'amour et de la fermeté, une certaine privation de liberté (pour l'enfant comme pour nous), une attention dans le rapport aux plaisirs afin qu'il accède à l'autonomie, nous en avons un peu parlé (épisodes 6 et 7).
L'étape suivante c'est de lui donner une boussole et de lui apprendre à s'en servir. De lui donner d'autres cartes, plus grandes et de le laisser s'orienter lui-même.
Puis un jour vient le moment de le laisser partir dans les bois, sans nous, de préférence avec quelques camarades, mais sans nous.
Proposer la vie spirituelle
C'est bien beau comme programme, mais par où commencer ? Un chemin qui nous est proposé par la sagesse occidentale est de développer la vie spirituelle par l'exercice conjoint de la raison et du sens moral.
Ce qui nous est proposé c'est de donner accès à l'enfant aux rouages de la "natura" humaine, à son propre "fonctionnement" spirituel (épisode 4). D'associer les forces qui influence son esprit à des termes qu'il peut comprendre, et lui faire sentir qu'il peut progresser dans la maîtrise de ces forces et gagner en autonomie.
Pour l'aider à faire ses premiers pas sur ce chemin, il faut déjà l'avoir emprunté soi-même, et posséder des repères solides. La morale objective est un de ces repères, une voie d'accès qui n'est peut-être pas la seule, peut-être pas la plus attirante, mais sans doute la mieux documentée et la plus directe.
Vivre et se former
Il vous revient donc à vous, vous qui lisez ces lignes et qui voulez proposer à un enfant la vie spirituelle, de vous former. De vous former à quoi ? Pas à la morale, puisque elle fait déjà partie de votre fonctionnement intime.
De ce coté, il est trop tard pour changer, il faut faire avec celui que vous êtes, là où vous en êtes. Votre enfant n'a pas le temps d'attendre que vous vous sentiez prêt, il a besoin de vous maintenant. Formez-vous, et peut-être changerez-vous en chemin. Une période d'ascèse pourra vous aider à y voir plus clair (épisode 5).
Votre priorité c'est d'assimiler les termes et le langage de la vie spirituelle et morale, de vous en imprégner. Encore une fois la morale vous la vivez, ce qui vous manque ce sont les mots et les gestes pour transmettre cette vie intérieure.
Ces mots et ces gestes ont été transmis pendant des siècles et ils ont façonné les hommes et les femmes qui ont bâtit la civilisation et nous ont sorti du tribalisme et de la superstition.
Comprendre et transmettre
Cette transmission semble s'être interrompue en France aujourd'hui, mais il ne tient qu'à vous de ranimer et de passer le flambeau. Et ça n'est pas aussi difficile et ingrat que ça en a l'air.
Constater l'aspect objectif de la morale c'est observer que le comportement humain est encadré par des règles qui s'imposent à lui et qu'il n'est pas possible de changer, même par des moyens démocratiques (épisode 2). Y déroger est possible mais provoque à terme des conséquences négatives du point de vue individuel et collectif (épisode 3).
A chaque pas sur ce chemin, nous sommes amené à remettre en cause les choix implicites de notre milieu culturel. Et a chaque fois cette remise en cause a un effet singulier. Deux comparaisons me viennent à l'esprit : le massage et la relecture de code.
Massage
Le massage permet à des muscles contractés de reprendre leur place naturelle. Ces contractures étaient causés par une mauvaise position et une accumulation de conflits psychologique (l'équivalent d'une mauvaise position du cerveau). Lors du massage, les mains du masseur communiquent au corps une chaleur et une souplesse qui lui permet de retrouver progressivement sa juste disposition, parfois ça se "remet en place" par à-coups un peu brusques.
Les contractures s'atténuent et l'énergie qui était canalisée par les mauvaises positions et les conflits psychologique est maintenant disponible pour des réalisations constructives.
Dans le cas de la réflexion et de la pratique de la morale, un effet similaire s'opère. La morale relative nous met dans une position inconfortable, à la merci de nos désirs et de nos peurs. Pour tenter d'oublier ou de justifier nos fautes morales, nous sommes contraints à des "contractions spirituelles" constantes qui nous épuisent et nous éloignent d'une posture mentale saine et simple.
L'accès à la sagesse occidentale est comme un massage vigoureux qui nous remet l'esprit en place.
Relecture de code
En informatique, lorsqu'une équipe de développeurs conçoit une application, ils utilisent sans cesse une technique de relecture et réécriture de code qui aboutit à un code plus efficace, et souvent plus simple. Ce procédé est parfois appelé refactorisation.
Lorsqu'on est devant un code "brut" qui n'a jamais été refactorisé, une relecture soigneuse permet de repérer des erreurs de style et de raisonnement.
Le style c'est important en codage, sans une bonne formulation (convention de nommage des objets, indentation ...), même l'auteur du code ne peut se relire.
Une fois le style amélioré, il devient plus facile de repérer les erreurs de raisonnement et de refactoriser. On remanie d'importantes portions de code et on aboutit à un traitement plus efficace, moins coûteux en temps de processeur.
Réfléchir à la morale est un travail similaire. On relit sa vie et on apprend à mettre le mot juste sur une réalité. On examine les raisonnements qui nous ont porté jusqu'ici et on se rend compte que notre vie est un code brut qui gagnerai à être refactorisé et simplifié.
Éducation sans
Si cette analyse est conforme à la réalité, alors éduquer un enfant sans se référer à la morale objective, c'est prendre le risque de l'orienter sur de fausses pistes.
Dans tous les cas, sa conscience, sa boussole morale est en lui et lui indique ce qu'est une action bonne. Mais les adultes de confiance cautionnent des actions contraires. Que va-t'il se passer ?
La plupart du temps pas grand chose, les enfants peuvent aujourd'hui se réfugier dans des univers virtuels qui les coupent des exigences de la vie. Ils vont généralement mettre le pied sur le chemin de la "recherche du bonheur par le moyen du plaisir" . Et à partir de là ils perdent leur liberté (épisode 7).
A certains moments, l'insatisfaction de cette vie provoque chez eux une surchauffe, des crises d'adolescence incompréhensible, puisqu'il a "tout pour être heureux".
On peut anesthésier ces rebellions et ces états dépressifs par la consommation, les thérapies ou même les médicaments. Tout pour endormir la boussole morale et ne pas remettre en question la trajectoire sur laquelle nous nous sommes engagés.
Éducation avec
A l'inverse, que serait une éducation morale conforme à la sagesse occidentale ? La réponse qui suit n'est pas un "cas idéal", c'est ce qui se produit naturellement dans les familles qui ont ce savoir-faire éducatif particulier.
Dans ces familles une attention particulière est portée sur une transmission dès le plus jeune âge d'un savoir-être qui feront de ces enfants de bons parents.
L'enfant reçoit des conseils et directives qui sont alignés avec la fin objectives de ses actions. Ces directives sont cohérentes et faciles à suivre. Les plaisirs l'attirent autant qu'un autre enfant, mais il apprend à y renoncer pour le service et l'amour de ses proches. Il est libre des ses choix.
Les cas des surchauffe adolescente sont plus rares et moins intenses. Le modèle des parents unis qui affrontent ensemble les difficultés de la vie au service de leur famille neutralise les revendications irresponsables.
La question de l'autorité
Pour ma part, j'avais une relation plutôt fusionnelle avec mon premier enfant, et lorsque je me suis vu contraint de lui imposer avec autorité des règles, vers l'age de 30 mois, j'ai d'abord été saisi par la crainte de dégrader cette relation. Je pensais qu'il allait cesser de sourire en me voyant et d'aller vers moi.
Mais je me suis résolu, la mort dans l'âme, à hausser la voix et user d'autorité, à un comportement "qui parait violent et disproportionné" (il y a des guillemets), surtout lorsqu'on a d'abord tenté les voies de l'éducation positive.
Et le petit bonhomme, après avoir pleuré et manifesté son dépit devant notre fermeté, a pris les choses avec philosophie. Il a rectifié son comportement, et il a continué à nous manifester son affection.
Imposer des normes de comportement n'est pas une violence, c'est au contraire un soulagement pour l'enfant qui reçoit cette éducation. N'oubliez pas qu'il a en lui une boussole morale qui lui indique une direction bien spécifique.
Conclusion
Au début de ce texte je vous ai proposé une voie d'accès vers des enseignement essentiels pour faire face au défi qu'est l'éducation d'un enfant (épisode 1).
Pas à pas, erreur par erreur, il s'agit de remettre en cause les messages implicites de la culture contemporaine. Et une fois ce brouillard mental dissipé, on peut prendre un chemin qu'on ne voyait pas, celui de la sagesse.
La relation à votre enfant sera un bon guide sur ce chemin. Lorsque vous aurez épuisé les approches qui ne fonctionnent pas, vous serez désemparé, livré sans filtre aux réalités humaines. Alors vous pourrez vous saisir de ce savoir facile d'accès et éprouvé qui vous tend les bras.
Et lorsque vous confronterez votre enfant à des préceptes moraux solides et infranchissables, plutôt qu'à une éthique molle et sans fondement, vous le verrez avec surprise manifester de la reconnaissance, et parfois même adopter spontanément un comportement vertueux.
Bon, ça n'est pas immédiat et définitif, ça reste un travail de toute une vie, d'ailleurs il faut que j'aille dire à mon grand de ranger sa chambre ... Au revoir !
Amicalement.
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