Rechercher la vitesse pour la vitesse, c'est prendre un risque, mais ça n'est pas une faute morale en soi. image pixabay.
La question du plaisir en morale est un sujet chargé et toujours prêt à exploser. On a ici un exemple des conflits insolubles et mortifères engendrés par la morale relativiste.
Nous portons un potentiel de plaisir comme un cheval porte un potentiel de vitesse. Qu'est-ce qui est important : aller le plus vite possible et un jour crever son cheval où arriver à destination ?
Commençons par souligner qu'en morale le problème n'est pas le plaisir en soi. Le plaisir n'est pas suspect et n'est pas systématiquement lié à une faute morale. Le plaisir comme la vitesse ne sont ni de bonnes ni de mauvaises chose. Le problème c'est la façon dont on y accède et le but que l'on poursuit.
Dans une morale relativiste, les principes sont fluctuants et dictés par le groupe d'influence le plus puissant et non par la raison. Dans mon contexte culturel, la question de l'accès au plaisir reste un sujet de confusion.
La pensée médiatique dominante considère que l'accès au plaisir n'est jamais un problème moral, seulement un problème légal. Qu'il n'existe aucune raison objective de nous limiter dans la recherche du plaisir.
Le plaisir et la mort
Pourtant la recherche sans frein du plaisir mène à la dépendance et à la mort. C'est inscrit dans notre biologie, dans notre système nerveux et endocrinien. Inutile de passer trop de temps là dessus, le principe général est que le corps s'accoutume aux stimulations et les réclame (dépendance), et que pour retrouver un même niveau de sensation il faut augmenter la dose.
C'est vrai pour toutes les sortes de plaisir, c'est le corps qui est conçu ainsi.
Ceci étant dit, la plupart d'entre nous sommes conscients de ce risque et nous avons appris à réguler nos appétits. Malgré cela la recherche de plaisir, même modéré, mérite un examen attentif. Où mettre le curseur ? A partir de quand la recherche du plaisir devient un problème ? Cette recherche est-elle une faute morale en soi ?
Le plaisir et la joie
Pour nous aider, et comme souvent, il faut partir d'une bonne connaissance de l'être humain. La sagesse occidentale a réparti les facultés humaines en plusieurs niveaux : biologique, psychologique (ou sensible), et spirituel.
Le plaisir apporte ses fruits satisfaisant aux niveaux biologiques et psychologiques, mais ne "monte" pas jusqu'au niveau spirituel. Lorsque vous êtes au sommet du plaisir, votre esprit peut demeurer indifférent et insatisfait.
Au niveau spirituel l'équivalent du plaisir s'appelle la joie. La joie ne se décrit pas en quelques lignes, mais vous devez avoir une idée de ce dont il s'agit. Pour résumer, elle ne provient pas de la stimulations d'un organe, c'est un état intérieur d'alignement qui survient lorsque nous nous approchons d'une forme d'absolu.
Il y a des joies simples, lorsqu'on fait le bien, ou qu'on est en présence de la beauté. D'autres joies sont plus rares, comme lorsqu'une vérité se dévoile.
Une erreur et non une faute
Après cette parenthèse, revenons à la question de la recherche du plaisir. La première remarque à faire c'est que le plaisir ne peut pas nous combler parfaitement, il n'apporte pas la joie qui est d'un autre ordre.
Derrière le plaisir et la joie, vous êtes à la recherche d'une forme de bonheur, ça peut être l'oubli ou la connaissance, l'atténuation de la souffrance ou la recherche de la paix pour vous ou pour les autres.
Et c'est ainsi que vous proposez, à vous même ou à l'autre, de "rechercher le bonheur par le moyen des plaisirs". Ça semble un objectif atteignable et motivant.
En fait, vous le devinez, cette "recherche du bonheur par le moyen du plaisir" est une erreur. Le plaisir ne comble pas toutes les facultés humaines, il laisse un vide que vous ressentez.
Cette recherche du plaisir entre la catégorie des erreurs et non dans la catégorie des fautes morales, mais c'est une erreur grave. Prenez le temps de considérer cette nuance entre "le plaisir" et "la recherche du bonheur par le moyen du plaisir".
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Et en partant d'une conception erronnée du bonheur, il est difficile de s'orienter dans la vie. Il est inscrit dans votre biologie et votre psychologie que le plaisir sans frein mène à la dépendance et à la mort, et dans votre spiritualité qu'il y a des enjeux plus importants que le plaisir.
Illustration
Ce genre d'erreur survient quand on se trompe de catégorie. Le plaisir est toujours l'effet d'un acte. Il n'est pas dans la même catégorie que les "fins", c'est à dire l'objectif qu'on cherche à atteindre.
Par exemple dans l'acte sexuel en couple, si vous placez le plaisir comme l'objectif à atteindre, la fin première de l'acte, quel est alors le statut de votre partenaire ?
Votre partenaire entre alors dans la catégorie des "moyens". Il devient le moyen par lequel vous accédez au plaisir, il devient un chose. A nouveau ça n'est pas le plaisir le problème, mais la façon dont on y accède.
Et c'est cet aspect spécifique qui devient une faute morale. Considérer un être humain comme un moyen est un problème. Pourquoi ? A vrai dire je n'ai pas d'outil simple pour le démontrer, et je laisse cette question en suspens.
Pour cet exemple de l'acte sexuel, c'est la manifestation de l'amour qu'on porte à son partenaire qui est une fin de l'action en accord avec nos facultés spirituelles.
Y a-t'il du mal à se faire du bien ?
On vient de voir que la recherche du plaisir pour le plaisir est une erreur, et non une faute morale. Puis on a vu que dans un cas particulier, cette erreur conduit à une faute morale.
Qu'en est il des autres cas de recherche du plaisir ? Est-ce que l'erreur conduit systématiquement à la faute ?
Maintenant que vous connaissez l'outil de la morale des fins objectives, vous avez de quoi juger par vous-même. Je rappelle que cet outil consiste à discerner la fin objective à laquelle mène un acte en général, et à comparer avec l'acte réel.
Par exemple la fin objective de l’absorption d'un corps étranger en général, nourriture ou médicament, ou quoi que ce soit est la préservation de la santé du corps.
Avec un tel outil, vous vous apercevrez que la recherche du plaisir pour lui-même mène tôt ou tard à une faute morale. Faute qui la plupart du temps est bénigne, je suis bien d'accord, mais le propos de ces articles est de se demander si on peut définir objectivement la morale, pas d'en explorer chaque aspect. Le thème de la gravité et de la hiérarchie des fautes morales n'est pas mon sujet.
Un diamant nommé plaisir
La question du plaisir est en général mal posée, on cherche une faute morale alors qu'il s'agit d'une erreur sur la catégorie.
Explorer le sujet du plaisir et de ses sources légitimes est un bon moyen d'évaluer la cohérence des enseignements de la sagesse occidentale. A chaque fois qu'on en explore une facette, on accède à une pensée claire et compréhensible.
Toutes ces facettes se rejoignent et se dispose dans l'esprit pour former un tout harmonieux et cohérent qui correspond facette pour facette avec les réalités qui nous entourent, et les forces qui nous habitent.
Pour conclure sur l'aspect moral du plaisir, force est de constater que les sources légitimes de plaisir sont rares. Et alors ? Le savoir rend au plaisir sa juste place et permet de mieux l'apprécier.
Plutôt que des plaisirs, je préfère ressentir de la joie lorsqu'elle se présente.
Et quel est le statut moral de la recherche du bonheur au moyen de la joie ? Même combat, la joie est un effet et pas une fin. Le bonheur est encore ailleurs.
Prochain épisode : massage, refactorisation, éducation et conclusion.
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