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06 - Morale et liberté


La morale définit des interdits. Est-ce une privation de liberté ? image pixabay


Liberté sous caution


Voyez-vous une contradiction entre la morale et la liberté ? Question très mal posée puisqu'on compare un peu des choux et des carottes, mais quand même, est-ce que vous n'avez pas parfois envie d'envoyer balader tous ces règlements à la noix et de faire ce que vous avez envie, quand vous en avez envie ?


Ce désir de liberté est d'autant plus fort que les chaînes sont lourdes à porter. A bien y regarder, la loi morale objective n'est pas une chaîne, mais un outil de libération. A l'inverse l'esprit de rébellion exacerbé est un chemin vers la servitude.


Ces idées vous sons sans doute familières et je ne m'y attarderai pas. Il est facile d'observer que l'absence totale de discipline chez l'enfant le conduit à devenir un être humain moins tolérant, moins ouvert, moins serviable, plus violent. A l'inverse, des règles strictes et bien dirigées de limitation de liberté, qui font partie de l'éducation, lui permettrons d'atteindre un comportement réellement humain.


Vouloir être "totalement libre" est une absurdité. Nous subissons toutes sortes de déterminismes à commencer par la génétique. Je ne peux pas décider librement de ma taille.


Ceci étant dit, nous avons besoin de répondre à ce besoin de liberté. Est-ce que admettre des lois morales objectives respecte la dignité humaine en plus de la raison ?


L'interdit et l'impossible


Dans le domaine moral on parle souvent de "l'interdit", en général pour le critiquer. En morale relativiste de type "contrat social", les interdits sont établis de manière consensuelle et on peut les remettre en question. Un interdit moral est une règle de comportement qu'on impose à l'individu et dont la source est liée à l'arbitraire culturel.


Et vous, qu'en pensez-vous ? Est-ce que vous pensez qu'on peut remettre en question tous les interdits ?


En sagesse occidentale on admet qu'une part des interdits sont liés à une culture, à une société, à une époque. Cependant on a découvert des "interdits objectifs" à partir de l'observation des réalités humaines, selon le principe de la "fin objective" déjà mentionné.


Les interdits de la morale objective sont à rapprocher des impossibles en logique. Une fois que vous avez bien défini ce qu'est un cercle et ce qu'est un carré, vous comprenez qu'il n'est pas interdit de tracer un cercle carré, mais que c'est impossible.


De la même manière, une bonne définition de ce qu'est la faute morale permet de distinguer clairement les actes qui nous éloignent de l'usage de la natura humaine. Il n'est pas interdit d'énoncer un mensonge honnête, mais c'est impossible.


Bien situer la liberté


Avec cette approche on conçoit mieux qu'on peut contourner les lois morales fondamentales, mais pas les redéfinir. L'énoncé des lois morales n'est pas une question de liberté et d'oppression.


C'est un point important car il règne une grande confusion à ce sujet. Personne ne conteste qu'il y a des lois contraignantes au niveau de la physique ou de la biologie. Par contre chacun semble avoir sa propre idée sur le comportement humain et de ce qu'est un bon comportement.


Pourtant je ne suis pas libre de choisir le contenu des principes moraux car il ne s'agit pas "d'interdits", ni même de "lois" au sens juridique du terme. Il s'agit de forces qui structurent l'esprit humain, et reconnaître leur réalité n'est pas un renoncement à la liberté, ni une capitulation de l'intelligence.


Nier l'existence de ces forces est possible, mais ça ne les fera pas disparaître. L'histoire des totalitarismes et les déboires psychologiques contemporains sont des illustrations tragiques de ce qui arrive lorsqu'on s'enferre dans ce déni.


Mais alors, où se situe notre liberté ?


Notez bien que c'est le contenu de la morale qui est déterminé par des lois de la "natura". Ce contenu permet de déterminer si un acte est une faute morale. Il ne dit rien des conséquence de ces fautes, il n'est pas question de punition, ou de "justice immanente".


Et effectivement rien ne m'empêche d'enfreindre ces lois, au contraire, beaucoup de forces me poussent à tenter de les ignorer. Et c'est la beauté de notre existence humaine, c'est le cœur de la liberté qui nous caractérise.


Notre liberté comporte plusieurs degrés. Le premier c'est d'obéir ou non à la morale objective. En première analyse rien ne nous y oblige.


Le second degré de liberté c'est le choix des moyens. Une fois qu'on a perçu ce qu'est le bien, il est de notre responsabilité de mettre en oeuvre les moyens pour se diriger vers ce bien.


C'est là qu'interviennent les circonstances de nos actes, votre capacité à prendre appui sur nos forces et à prendre en compte nos faiblesses pour "faire de notre mieux".


Vraiment libre de faire le mal ?


Mais au fait, des lois qui ne sont pas contraignante, à quoi ça sert ? Si les fautes morales sont sans conséquences, ça va vite être un beau bordel ! Pour approfondir ce point, il nous faut esquisser ce qu'on entend par "vie spirituelle".


Nous savons peu de choses sur la vie spirituelle. C'est une faculté propre à l'être humain et qui est hors de portée de nos outils de mesure directe. Avez-vous remarqué que les sciences humaines utilisent principalement l'outil statistique ? La statistique apporte une preuve indirecte au sujet d'un comportement donné.


Par définition les sciences humaines se sont constituées en renonçant à accéder au fonctionnement intime du comportement humain (voir l'article "Cerveau et esprit"). C'est une approche cohérente avec la sagesse occidentale qui constate que les opérations de la conscience sont par nature immatérielle.


Un esprit sain ...


La sagesse occidentale est restée prudente et se garde bien de décrire un "monde des esprits" dont on ne peut rien savoir. Cependant, en observant les effets de l'esprit, la sagesse est remonté à ses causes nécessaires. Et en observant l'être humain, les chercheurs ont mis au jour des principes de bonne santé spirituelle.


Dans ce domaine il est indiscutable que nous sommes libres de faire le mal, cependant l'accumulation des fautes morales n'est pas sans conséquences. La morale est objective, elle est inscrite dans la réalité, dans l'alignement logique entre un acte et sa fin. Elle traverse et structure les niveaux de vie de l'être humain.


Lorsque mes actes sont alignés avec la morale objective, je suis en paix avec moi-même et je peux me tourner vers les autres. Je ne leur apporte pas mes blessures morales et psychologiques, mais un joie de vivre simple, une fraicheur.


On peut comparer le respect de la morale avec une alimentation saine. Si je fait un écart exceptionnel, il n'y aura pas de répercussion. Par contre si je vide un pot de pâte à tartiner chocolat-noisette à chaque repas je vais avoir des problèmes de santé.


...ou pas


Je pense que la comparaison n'est pas tout à fait juste car lorsque l'on fait un écart moral, la plupart d'entre nous ressentons immédiatement un état de désalignement intérieur. La culpabilité au niveau spirituel c'est la conscience que votre action n'est pas aligné avec sa fin.


Et cette culpabilité va venir déséquilibrer votre conscience psychologique, vous allez être agité, distrait, vous allez rechercher des compensations dans toutes sortes d'excès, nourriture, divertissement, conversation. Ou à l'inverse vous allez vous murer dans le silence, accaparé par des contradictions déchirantes entre votre conscience morale et un environnement personnel et culturel dans lequel vous trouvez mille occasions de dévier.


Si vous vous tournez vers les autres, dans le meilleur des cas vous ferez peser sur eux le poids de votre conscience, par exemple en déchargeant sur eux votre tristesse de vivre, ou en leur demandant de prendre la place de votre intelligence morale. Dans d'autres cas vous verrez en l'autre un moyen d'oublier votre souffrance à travers la distraction que sa compagnie vous apporte.


En morale objective, l'autre personne humaine est la fin la plus élevée que l'on peut rechercher. Elle n'est jamais un moyen.


Libre quand même


A travers ces quelques lignes j'ai voulu évoquer les conséquences psychologiques de la faute morale. Je ne suis pas descendu jusqu'aux conséquences psycho-somatiques, je n'ai d'ailleurs pas les qualifications nécessaires, mais on peut deviner que à force d'être sollicité ou neutralisé par la culpabilité, le système nerveux va transmettre ses dysfonctionnements au systèmes végétatif.


Je n'ai pas non plus approfondi la propagation au cercle des proches qui pâtissent de ces problèmes psychologiques et physiologiques, et peuvent être atteints dans leurs choix moraux. Et de proche en proche, il y a contamination sociale, toutes ces communautés malades reportent leurs problèmes sur les autres communautés ou sur l'État.


En synthèse les lois morales ne sont pas contraignantes et nous pouvons faire des écarts exceptionnels et sans conséquences. Cependant en choisissant de respecter ces lois nous conservons une bonne santé spirituelle et nous établissons des rapports sains avec nos proches.


À la fin, le choix


Vous n'êtes peut-être pas convaincu par ce qui se veut un témoignage plus qu'un argumentaire. Vous vous dites peut-être que tout cela n'est qu'une opinion parmi d'autre.


De fait je n'ai pas de preuve matérielle à apporter sur cette notion bien spécifique des "conséquences de la faute morale". Il s'agit seulement des preuves indirectes comme pour toute science humaine. Et il y a des individus qui ne portent pas la trace de leur culpabilité, ils semblent même ne pas en avoir.


Ce dernier point souligne notre suprême liberté de choix. Nous pouvons tourner le dos à la nature et choisir des règles de comportements, par exemple par consensus. C'est cette voie que nous explorons actuellement. Mais est-ce la bonne ?


Les lois morales sont objectivement connaissables et ne sont pas contraignantes. Nous ressentons le besoin de nous en libérer, mais nous pouvons librement choisir d'y consentir. Consentir à la morale objective n'est pas une résignation, c'est un choix personnel, un choix de vie, un choix libre et pour la Vie.


Vous devez ressentir en vous une articulation entre la morale, la culpabilité et le plaisir. La culpabilité est une sensation déplaisante et est souvent en lien avec l'accès au plaisir. Pour choisir librement la façon dont nous accédons au plaisir il faut examiner le rapport entre morale et plaisir. C'est ce que nous verrons dans le prochain épisode.

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