La musique cesse d'exister quand le musicien cesse de jouer, par contre la matière continue d'exister après le Big Bang. Mais pourquoi ? image Pixabay
Introduction
L'occidental éduqué de ce début de millénaire se contente de peu d'explications en ce qui concerne l'apparition de l'univers, et il n'est pas porté à réfléchir à ce qui maintient cet univers dans l'existence.
Cette question du 'maintien dans l'être' me semble particulièrement amusante et intéressante. En effet la science n'explique pas pourquoi les particules continuent d'exister.
Et pourtant ces deux sujets, apparition de la matière et maintien dans l'être, sont en amont de tout autre questionnement. Les réponses qui ont été apporté dans mon aire culturelle semblent définitives mais sont en fait bien fragiles.
Big Bang
Pour ce qui est de l'apparition de l'univers, la réponse la mieux établie tient en deux mots : Big Bang, la grande explosion. La réalité de phénomène physique me parait indiscutable, et ce qui est intéressant c'est l'histoire de cette hypothèse, en particulier le fait qu'il s'agit d'une induction.
Le Big Bang n'est pas un fait scientifique issu de la logique déductive. Dans la logique déductive, on analyse une cause, par exemple la force du vent sur une voile, et on en déduit un effet de cette cause : la voile se tend et peut faire avancer le bateau, du moins si l'équipage est compétent.
Le Big Bang a été découvert par un prêtre belge qui observe que les étoiles s'éloignent l'une de l'autre. On peut faire l'analogie avec des vagues provoquées par un caillou jeté dans l'eau. Et c'est par induction qu'il est remonté à la cause, au caillou dans la mare qu'est le Big Bang.
Et pour la plupart d'entre nous il n'y a rien à dire de plus. Le Big Bang est l'explication ultime de l'apparition de la matière, et on s'arrête là.
Avant le Big Bang
Pourtant il reste au moins une question en suspens. Si le Big Bang est la cause de l'apparition de l'univers, pourquoi ne pas continuer l'induction et considérer que le Big Bang est aussi un effet, et qu'il a une cause ?
Pour ma part j'ai cherché cette cause dans la presse scientifique lorsque j'étais étudiant. J'ai lu des articles et des livres mais je n'ai rencontré qu'un mur de confusion et d'explications embarrassées ou inutilement complexes. Puis j'ai abandonné.
Je passe sur les notions d'univers qui oscillent entre un Big Bang et un Big Crunch, sur les univers parallèles et autres hypothèses souvent bien amenées, car ces explications se heurtent à deux obstacles. Le premier est que ces modèles ne répondent pas à la question de la cause ultime, et le second est l'excellent outil mental appelé le "rasoir d'Ockham" qui permet de se défaire des hypothèses superflues.
La voix de la sagesse
Puis un jour j'ai écouté les enseignements de philosophes qui nous transmettent un savoir éprouvé, formulé par des chercheurs il y a plusieurs millénaires. Un savoir réactualisé et confirmé par toutes les découvertes modernes et défendu aujourd'hui par des penseurs contemporains.
Pour accéder à ce savoir, il faut se munir d'un équipement mental adéquat, comme pour toute connaissance, par exemple il faut partir de l'expérience de nos sens pour définir des réalités comme l'existence, l'essence, la nature, la substance.
Je ne rentrerai pas dans ces considérations, ça n'est pas le propos de ce texte. Ces connaissances sont accessibles à tous ceux qui veulent bien se référer aux enseignements de la sagesse occidentale.
La violoniste
Par contre je souhaite illustre la réponse de la sagesse occidentale à la question de l'existence en m'aidant d'une analogie.
Cette analogie est celle de la musique. Prenez le temps d'imaginer une jolie violoniste qui se prépare à jouer de son instrument (ou un beau violoniste si vous préférez). Elle place le violon contre son cou et l'archet à quelques millimètres des cordes. Arrêtons l'image à cet instant précis.
Pensons maintenant à la musique qui n'existe pas encore à cet instant là. Elle n'existe pas et pourtant vous l'entendez presque, vous savez qu'elle pourrait exister.
Cette musique qui n'est pas encore là est un potentiel, on dit qu'elle est "en puissance", et c'est aussi un être dont l'existence repose sur autre chose qu'elle même, elle pourrait ne pas être, on dit qu'elle est "contingente".
La musique
Maintenant, laissons notre violoniste poser l'archet sur les cordes et nous jouer un air entraînant. Percevez la musique dans votre esprit. L'être contingent est passé de l'état potentiel à l'état d'existence, de la puissance à l'acte.
La musique perçue est l'effet d'une chaîne d'effets et de causes. Vous la percevrez dans votre conscience parce qu'elle correspond à des impulsions nerveuses dans votre cerveau qui sont la cause de la perception.
Ces impulsions sont aussi l'effet d'une cause : les vibration de vos tympans, et ces vibration proviennent de variations de pression de l'air qu'on appelle des ondes sonores.
Ces ondes sont à la fois la cause de la vibration du tympan et l'effet de la vibration des cordes du violon. Chaque effet a une cause, et la cause première est dans l'esprit de la violoniste qui a engendré les impulsions nerveuses nécessaires au mouvements de son corps.
Le silence
Continuons l'expérience. Le morceau se termine, l'archet s'éloigne de la corde, la vibration s'atténue. C'est le silence.
La musique cesse alors d'exister en acte.
Il y aurait bien des questions à poser. Qu'est ce que la musique ? Que sont ces "consciences", celle qui perçoit la musique et celle qui est à la source de cet être contingent ?
Laissons là ces interrogations et revenons à notre Big Bang. Ce que nous apprend la sagesse occidentale c'est d'abord que le Big Bang est un effet, et que rien ne nous interdit de tenter de remonter à sa cause.
La cause première
Rappelez-vous l'analogie entre le caillou jeté dans l'eau qui provoque des vagues et d'autre part les étoiles qui s'éloignent l'une de l'autre. Conservez cet état d'esprit.
Ici la musique est par analogie la matière, celle que vos sens perçoivent, là, sous vos doigts. Et l'archet qui se pose sur la corde, c'est le Big Bang, la vibration initiale.
Dans notre analogie, la cause première de la musique n'est pas l'archet, c'est l'esprit de la violoniste. De la même manière, pour le penseur réaliste, on peut induire une cause première au Big Bang. Une cause qui échappe à notre perception et à l'expérimentation, mais qui peut être approchée par notre intelligence, notre entendement.
La cause de la cause ?
Et les penseurs vont un peu plus loin en posant cette question : est-ce que cette cause première pourrait avoir une caractéristique, un pouvoir particulier et exceptionnel, celui de ne pas avoir de cause ?
Cela parait absurde au premier abord. Cependant si c'est faux, cela signifie qu'il existe une "cause à la cause première", et cela à l'infini, chaque cause ayant une cause. Il n'y a pas d'autre alternative.
Faisons appel de nouveau au rasoir d'Okham qui dit que l'hypothèse la plus probable est celle qui engendre le moins d'entités superflues. Il n'y a alors rien de déraisonnable à trancher pour l'hypothèse la plus simple, celle d'une cause véritablement première, à la source de tout ce qui est causé, et qui n'a pas d'autre cause qu'elle-même.
Imagination ou raisonnement ?
C'est difficile à concevoir concrètement, mais ça n'a rien d'arbitraire, je ne suis pas en train d'évoquer un "ami imaginaire", mais un phénomène réel qui est la cause de l'apparition de la matière, et ce phénomène peut être défini et perçu par notre conscience.
Il est possible de réfléchir à ce phénomène, de le décrire avec plus de précision, d'énoncer des facultés qui devraient nécessairement lui être rattachées, comme on le fait d'un phénomène physique. On peut ensuite étudier cette description pour constater à quel point elle s'insère dans nos connaissances scientifiques portant sur la matière.
Ce travail a déjà été fait et il est sans cesse réactualisé confirmé et précisé par les découvertes scientifiques. Ça n'est pas l'objet de ce texte et je vous assure que la confrontation avec les esprit des penseurs de la sagesse occidentale est un voyage plein de surprises et d’enseignements.
La définition initiale de la cause première est qu'il s'agit d'un phénomène qui est à la source de l'apparition de la matière, et que ce phénomène possède la caractéristique unique de ne pas avoir d'autre cause que lui-même.
Parenthèse critique
Cette définition permet de répondre à la première question : quelle est l'origine de l'univers ?
D'un point de vue critique il y a beaucoup de questions à explorer, par exemple : pourquoi le Big Bang n'est pas lui-même la cause première ? D'autre part cette définition peut être considérée comme une hypothèse qu'aucune expérience ne peut valider.
Toutes ces questions et remarques sont légitimes et elles doivent être traitées, cependant pour y répondre il faut se former à "l'équipement mental" dont je parlais plus haut, ce qui n'est pas l'objet de ce texte. Mon propos est seulement d'illustrer ce qui est rigoureusement démontré par des générations de chercheurs.
L'hypothèse de l'être premier est simple et performante, dans la mesure où elle rend compte de ce que nous pouvons observer, induire et déduire. Elle ne peut pas être validée par l'expérience, elle ne peut pas non plus être invalidée.
Vous avez peut-être une autre position, d'autres hypothèses qui vous viennent en tête. Si vous lisez un peu vous trouverez un chercheur, un penseur qui a développé chaque hypothèse que vous pourriez envisager. Je vous encourage à explorer ces travaux. Pour ma part je n'ai trouvé aucune réfutation définitive de l'hypothèse d'une cause première, qui est nécessaire, sans laquelle rien n'aurait commencé à exister.
Rien n'arrête la musique
Revenons à notre Big Bang et interrogeons-nous maintenant sur ce qui s'est passé après. Une fois la matière apparue, pourquoi n'a-t-elle pas disparu ?
Qu'est ce qui fait que les particules qui nous entourent continuent d'exister ? Ou, si je reprends mon analogie, pourquoi la musique continue après que l'archet ait touché les cordes ?
Après le Big Bang la matière s'est propagée dans l'univers et s'est organisée selon des forces qui sont apparue en même temps qu'elle. Et surtout, la matière à "continué d'être", et elle continue encore aujourd'hui.
Le fait même de "continuer d'être" est un effet dont on peut rechercher la cause. Il faut bien qu'il existe une force qui, à chaque instant maintienne cet objet que j'ai devant moi, une force qui le maintient dans l'être. Sans cette force l'objet cesserait d'exister.
Des cordes qui font vibrer l'univers
Quelle est cette force ? Il me semble impossible de l'observer directement. Des modèles théoriques appelés "théories des cordes" ont été développés par des physiciens contemporains. Ils nous offrent une image de ce maintien dans l'être, l'image d'une "corde" dont les états vibratoires déterminent la masse et les propriétés des particules de matière, un peu comme les cordes du violon déterminent la musique.
Au delà de cette théorie des cordes il y a la réalité du maintien dans l'être et cette réalité est l'effet d'une cause. Nous avons donc la cause première, créatrice et ponctuelle, qui intervient à l'origine de l'univers, et une seconde cause, continue, qui intervient en permanence pour maintenir la matière dans l'existence.
Se pourrait-il que ces deux causes n'en soient qu'une seule ? Dans l'image de la violoniste, la cause est la même : c'est la conscience de la musicienne qui conçoit la musique, la fait exister et la fait subsister.
Il se pourrait aussi que la matière porte en elle-même la cause qui la fait continuer à exister ? Un peu comme une voiture contient une source d'énergie qui la fait avancer. Cependant dans cette situation la cause du mouvement est temporaire. Un jour la voiture n'aura plus d'essence.
Quand la cause première passe la seconde
Il est plus cohérent d'induire que la cause première, après la création initiale de la matière, conserve un contact avec la matière, et lui apporte une force qui maintient son existence. La création n'est pas un phénomène ponctuel, une explosion isolée, mais un processus continu qui maintient chaque particule en liaison avec la cause qui l'a engendrée.
La création et la persistance sont un seul et même phénomène qui ont la même source, et la cause première se pare d'une nouvelle capacité qui est indispensable pour explique rationnellement l'univers qui nous entoure.
L'univers est comme une musique qui émane de la conscience d'une violoniste et se propage à travers le mouvement de ses mains. L'entendez-vous ?
Conclusion
A travers ce texte j'ai voulu partager une connaissance essentielle apportée par la sagesse occidentale et passée sous silence dans l'éducation contemporaine.
J'espère faire prendre conscience au lecteur qu'il est possible et important de réfléchir sur les limites de nos connaissances et de ne pas placer trop bas ces limites.
Comments