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La dignité du corps


La danse comme l'expression de la beauté à travers l'impétuosité du corps et la discipline de l'esprit. image pixabay


Introduction


Dans la traversée de la vie, la biologie est l'équipage, le cerveau est le pilote et l'esprit le capitaine. Et si un seul de ces composants vient à dysfonctionner ou à recevoir une attention disproportionnée, la course devient moins harmonieuse et la traversée s'achève prématurément.


L'objet de ce texte est de souligner l'importance et la dignité du corps et du système nerveux. En effet, en prenant connaissance du contenu de la sagesse occidentale, on est parfois surpris des nombreuse critiques adressées au corps. Il serait la source de tous les vices et associée à des termes comme "inférieur" "bas", voir "vil".


Hiérarchie


Ce terme "d'inférieur" doit être replacé dans son contexte. Le corps est inférieur à l'esprit de l'Homme comme les racines sont inférieures au branches de l'arbre. Pourtant il ne viendrait à personne l'idée que l'importance de la racine est moindre que celle des branches, ni que les branches et les racines forment deux être séparés.


Le corps et l'esprit sont deux composantes d'un même être humain qui entretiennent des rapports d'interdépendance. Et nous allons voir que dans ces rapports c'est le corps qui prend tous les risques, et l'esprit n'en assume aucun.


Dans la suite du texte nous allons dissocier clairement le corps et l'esprit, mais il s'agit d'un artifice nécessaire pour la compréhension.


Commençons par bien percevoir la différence entre le corps et l'esprit à l'aide d'une petite expérience.


Raideur spirituelle


Qu'est-ce que j'appelle la conscience animale ? Les neuroscientifiques la décrivent comme la "conscience noyau", une synthèse de toutes nos perceptions qui s’opère dans le cerveau.


Pour en prendre conscience je vous propose une expérience que vous pourrez réaliser vous-même. Il s’agit de prendre tour à tour conscience de votre conscience spirituelle, puis de votre conscience animale.


Est-ce que vous savez vous tenir droit ? Chez certaines personnes c'est naturel. Pour ma part, lorsque je veux me tenir droit, je fais un effort de volonté conscient. J'impose ma volonté à mon corps.


Dans cette démarche, je constate que, bien que ma position soit plus droite, je reste raide, et que la posture n'est pas facile à conserver. Elle a quelque chose de non naturel, appelons cette posture "raideur spirituelle" car la posture est issue d'un acte de la volonté spirituelle qui veut s'imposer au corps.


Dans la raideur spirituelle, tentez de percevoir ces influx nerveux qui terminent dans les muscles de votre dos, remontez jusqu'à leur source, dans votre tête, et peut-être même au-delà, dans votre "moi".


Cette source de la raideur spirituelle, c’est votre volonté, et elle se "situe" dans votre conscience, au-delà de votre cerveau.


Réceptivité et souplesse


A l'inverse, faites la démarche "d'entrer en réceptivité". Si vous avez déjà fait de la relaxation vous devez avoir une idée de ce que cela signifie, et encore plus si vous vous êtes intéressé à la thérapie Vittoz.


Pour le moment disons que l'état de réceptivité, comme son nom l'indique, consiste à recevoir les sensations de votre corps sans émettre aucun jugement, sans même en prendre conscience de manière active, sans les analyser, simplement recevoir.


Je cesse de "penser" et je laisse venir à moi les sensations dont je n'ai en général pas conscience. Souvent il s'agit de légères gènes ou des contractures, ou des tensions inutiles d'un membre.


Et spontanément, sans décision consciente, je constate que mon corps recherche une position plus confortable, qui élimine ces sensations désagréable. En conséquence, je me détend, je me décontracte.


Et j'en arrive au phénomène de la position "droite" suite à l'entrée en réceptivité. Je me tiens alors droit d'une manière différente de la "raideur spirituelle". C'est comme si mon corps était doté d'une conscience propre et distincte de ma conscience spirituelle.


La position droite n'est à ce moment pas recherchée par ma volonté, l'important est au contraire de laisser le champ libre à mon niveau sensible / psychologique, à mon système nerveux. Ma position me semble plus souple, elle ne me demande pas d'effort, elle vient spontanément.


Dans cet état vous êtes une conscience animale, bien distincte de votre "moi" de tout à l'heure.


Dignité de la conscience animale


En elle-même, la conscience animale possède une dignité en cela qu'elle lui permet d'affronter un univers qui parait hostile et absurde, dénué de sens. La vie sauvage nous parait belle dans sa pugnacité, sa capacité à tirer parti même des environnements les plus difficiles.


A un certain degré, la vie végétale possède cette même dignité. C'est la préservation de la vie qui nous apparaît comme exemplaire et digne d'éloges.


La prise de risque


Chez l'homme il y a une beauté et une dignité similaire, la souffrance et la mort peuvent nous surprendre à chaque instant, pourtant nous continuons à nous battre, même blessé, même diminué.


C'est là une beauté et une dignité que l'esprit humain, ou conscience spirituelle ne partage pas. Par nature, l'esprit est un organe non matériel, qui ne peut être atteint par les blessures et les mutilations, et qui n'a pas la même perception du risque que notre conscience animale.


Lorsque l'intelligence fait une erreur de jugement, c'est le corps qui risque sa peau. Et si l'erreur entraîne un accident, c'est le corps qui est blessé, malade et porte les séquelles.


Confiance et défiance


L'esprit met à disposition du corps des réalisations très profitable, comme la domestication des forces naturelles.


Cependant, pour que l'Homme puisse bénéficier pleinement de ces réalisations matérielles, il lui faut intégrer également les règles morales naturelles qui gouvernent l'esprit.


Notre conscience animale, confrontée aux exigences morales, est perplexe. Elle doit cependant faire confiance à cette instance, une confiance aveugle car le cerveau n'est pas en mesure de percevoir les mécanismes de l'intelligence et de la volonté.


Ces exigences morales, la conscience animale y résiste légitimement dans la mesure où elle expérimente un monde ou chaque geste est irréversible, et lorsqu'on laisse passer une occasion de satisfaire un besoin (alimentaire ou autre), on prend à nouveau un risque.


Les opérations de l'esprit, au contraire, sont virtuelles, elles peuvent être déroulées, interrompue, annulée sans aucun dommage.


Cette confiance du corps envers l'esprit n'est pas une attitude de soumission, mais une lutte de tous les instants, un arbitrage entre les exigences d'une biologie fragile et menacée d'une part et un esprit invulnérable et mystérieux d'autre part.


L'épreuve du temps


La perception du temps est un autre aspect de la difficulté du corps et du système nerveux face aux injonctions de l'esprit.


Plus on s'élève dans les niveaux d'organisation de la matière, plus le temps s'accélère. Le temps est figé pour les minéraux qui s'érodent lentement. Le temps est bien plus rapide pour les végétaux qui peuvent réagir à leur environnement. Et pour les animaux, leur système nerveux les plonge sans arrêt dans le flux du temps.


L'esprit, lui, vit hors du temps. Il ne s'use pas, et ses opérations sont instantanées. Il va de la compréhension d'un problème à sa solution, de la solution à la décision, et de la décision au résultat.


Le corps ne peut pas suivre le rythme de l'esprit. Il ne me suffit pas de décider d'arrêter de fumer. Il faut appliquer cette décision à chaque instant et tout le reste de ma vie.


Un esprit équilibré sait faire confiance au corps et écouter les signaux qui en viennent.


Conclusion


L'Homme possède plusieurs niveaux de conscience. La dignité du niveau corporel tient dans sa faculté à affronter la vie matérielle, son irréversibilité et ses dangers.


La conscience spirituelle, elle, vit hors du temps et de ses contraintes, dans un monde de concepts et d'instantanéité, assez similaire au mondes virtuels de l'informatique, ou l'on peut toujours sauvegarder et revenir en arrière.


La conscience animale, dite aussi sensible ou psychologique, doit faire confiance à l'esprit, sans pouvoir comprendre pourquoi, et appliquer ses diktats qui contrarient parfois ses désirs et ses impulsions.


Une bonne éducation donne au corps toute sa place, et rien que sa place, en respectant la hiérarchie naturelle qui définit l'être humain.

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