La princesse palatine Élisabeth de Bohême, qui correspondait avec René Descartes au sujet du lien esprit-corps.
L'émergences des sciences humaines
Passons maintenant à la seconde approche, que j'ai appelé approche psychique, et plaçons quelques repères qui encadrent cette approche. Pourquoi les sciences humaines ont renoncé au savoir de la sagesse occidentale ?
Le philosophe Kant vers 1787, établit que l'esprit "échappe au scalpel de la science" et qu'il ne peut qu'être décrit et pas étudié. Brentano (1874) propose une approche empirique systématique qui prend en compte "l'intentionnalité" et ne se restreint pas à la biologie. Enfin Ribot (1907) rejette toute référence à un esprit immatériel.
A partir de cet état d'esprit a émergé une branche du savoir qui étudie le comportement humain de manière indirecte, mais sans s'autoriser à en expliquer le fonctionnement intime, ceci afin de rester dans le champ scientifique.
Le nouveau né et les êtres spirituels
La psychologie du développement est la discipline qui a le plus observé le phénomène de la conscience et son apparition chez l'enfant.
Grandes étapes :
Salapatek & Kessen, 1966
Condon & Sander, 1975
Brazelton & Cramer, 1991
Stern, 2000
Muratori & Maestro, 2007
Ces chercheurs ont établi que le nouveau né dispose d'étonantes compétences dès la première semaine après sa naissance, avant même qu'il ait reçu toute influence d'ordre "culturelle".
En résumé, ils ont observé que l’objet privilégié de son activité visuelle est le visage humain, les stimuli visuels qui l’attirent le plus sont les yeux, la bouche et le contour du visage, il est très tôt capable de synchroniser ses mouvements sur la voix de sa mère, il s’intéresse préférentiellement à un visage qui exprime une réaction, plutôt qu’à un visage impassible.
L'attention du nourrisson, sa conscience, s'oriente en priorité sur son entourage humain et aux objets qui le lient à cet entourage.
Cela signifie que l'enfant possède des compétences sociales innées qui ne sont pas à la portée du cerveau, cet "ordinateur sensoriel". Il existe un phénomène, la conscience spirituelle, qui est au-delà de la perception et de la survie.
Par comparaison, le jeune animal va très vite quitter sa passivité initiale et s'intéresser aux objets concrets liés à ses besoins physiologiques. Il n'a pas autant besoin "d'entrer en relation".
La psychologie du développement
L'étude de la conscience a généré de nombreux travaux en psychologie, avec comme point de départ l'oeuvre de Freud.
Grandes étapes :
Freud, 1895
Klein, 1932
Bion, 1962
Lacan, 1966
Laplanche, 1987
L'article dont je suis parti évoque de nombreuses analyses, études et théories qui ont le mérite de montrer que la conscience spirituelle est spécifique à l'être humain, et que la relation à l'autre en est l'aspect le plus essentiel.
Les chercheurs ont étudié le développement de la conscience à partir d'une dialectique du désir : les perceptions et les pulsions intérieures du petit enfant qui recherchent un objet extérieur de satisfaction.
A partir de cette dialectique les expériences confuses du nourrisson progressent vers la pensée et l'abstraction, grâce à l'intervention des adultes qui participent à cette progression.
Grâce à eux on saisi combien la relation humaine, ou l'intersubjectivité, est fondamentale dans le développement de la conscience.
Science et conscience
On voit que la science a exploré la conscience selon deux axes et a beaucoup progressé.
Du coté de l'approche neurologique on est en mesure de décrire la conscience comme un état bio-électrique éphémère qui fait la synthèse des informations reçues par les sens.
La modélisation issue de la cybernétique confirme qu'au sein d'un système dynamique, comme un réseau de neurone, peut se constituer un ordre émergent, ce qui rend compte des capacités de décision instantanées des animaux.
Du coté de l'approche psychique, la conscience est une instance permanente qui évolue à travers un dialogue entre les désirs internes et les personnes humaines. L'enfant est dès sa naissance équipé pour entrer en relation et entamer ce dialogue. A partir de cette relation la conscience évolue vers la pensée et l'abstraction.
Par contre le "lieu" de la conscience psychique demeure un mystère, de l'aveux même des chercheurs. Le conscient, l'inconscient, les raisonnement et tous les phénomènes psychiques ont des répercussions sur le cerveau, mais il intervient de manière connexe, comme un moyen ou un effet, mais pas comme la source du phénomène.
Sagesse et conscience
Ces connaissances sont précieuses et complètent les savoirs de la sagesse occidentale sans radicalement les remettre en cause. En particulier on connait depuis l'antiquité la distinction entre les niveaux d'organisation du réel, connaissance sans cesse réactualisée.
Le plus bas niveau est le niveau matériel ou minéral. Son principe organisateur est dans les forces de la physique, gravité, interactions nucléaires, etc. Ce niveau ne porte pas de conscience.
Le niveau suivant est le niveau végétatif ou biologique. Son principe organisateur est l'ADN. Ce niveau comporte un premier degré de liberté puisque les gènes s'expriment en réaction avec les conditions extérieur : ensoleillement, type et qualité des nutriments, etc.
Le troisième niveau est le niveau sensible ou psychologique, et son principe organisateur est le système nerveux. Ce niveau comporte une forme de conscience qui permet une capacité d'adaptation instantanée aux changements.
Le quatrième niveau est le niveau spirituel. Son principe organisateur est l'esprit. Il est le siège de la conscience spirituelle qui rend compte des facultés d'intelligence et de volonté. Ce niveau est spécifique à l'être humain.
Les facultés spirituelles
L'esprit a également été étudié de longue date, et dès l'origine les chercheurs s'accordent à reconnaître leurs limites hautes et basses sur leur connaissance dans ce domaine.
Limite haute d'abord : nous sommes tous capables de constater les facultés propres de l'être humain, et rien ne s'oppose à décrire précisément ces facultés puis d'utiliser l'induction et l'analogie pour déterminer leur origine.
C'est ainsi qu'on a patiemment développé une connaissance précise des deux facultés fondamentales que sont l'intelligence et la volonté, et de leur siège appelé esprit.
Et la limite basse de nos connaissances est la nature profonde de l'esprit. Puisqu'il s'agit d'une réalité immatérielle, on ne peut l'observer que par ses effets.
Comment s'articule les connaissances issues de la science et celles issues de la sagesse ?
Comparaison
La conscience-noyau correspond trait pour trait à ce qu'on appelle le niveau sensible, et la conscience psychique est très similaire au niveau spirituel.
C'est là que l'hypothèse audacieuse de l'esprit comme organe immatériel reprend des couleurs. En effet les progrès de la science montrent que le cerveau est parfaitement capable de prendre en charge le niveau sensible, mais l'imagerie cérébrale révèle une absence totale de zones cérébrales spécialisées liées aux instances psychiques et à leurs facultés.
A l'appui de cette hypothèse, je constate que les sciences humaines reconnaissent dès leur naissance les mêmes limites que la sagesse devant l'esprit. Brentano et Husserl respectent les lois de la biologie mais affirment que les phénomènes psychiques ne se réduisent pas à ces lois.
Conclusion
Ce panorama des connaissances sur la conscience humaine permet de rappeler que la question de la conscience n'est pas résolue du point de vue strictement scientifique.
Il existe toujours deux consciences étudiées par deux disciplines différentes et qui n'ont pas établit un pont de manière claire entre leur démarche.
D'autre part les intuitions des chercheurs de la sagesse occidentale ont été précisées et confortées, et je pense que les sciences humaines auraient beaucoup à gagner en se référent à ses autres enseignements, comme l'étude de l'intelligence et de la volonté.
Enfin la question de la princesse palatine Élisabeth de Bohême reste toujours légitime, et toujours sans réponse ...
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